crédits photo Rachel Dano
ma-nifeste
Est-ce que je peux encore rester là, immobile, les bras croisés ?Je me suis posé·e cette question et je connaissais déjà la réponse. Je n’ai pas le choix. Les chiffres sont là. Les bras croisés, le monde brûle. Mais il me fallait autre chose, un souffle pour survivre aux statistiques, une onde sensible pour connecter raison et émotions, pour agir, pour réagir enfin. Sans ça, je reste pour l’éternité quelqu’un d’interdit.

Interdit, ça signifie que je n’arrive pas à parler : stupéfaction, sidération, je n’arrive plus à respirer. Interdit, ça signifie que je n’ai pas le droit : je n’ai pas le droit de rêver, de me projeter, d’espérer ; un enfant, notre avenir, un emploi, rien qu’un regard, impossible, interdit.

Pourtant, je refuse de me taire. Parce que je ne suis pas un cadavre. Parce que je suis vivant·e.
Redéfinir.
Entre l’éco-anxiété et l’envie de se battre émerge un désir de rassembler autour d’une redéfinition de notre rapport au vivant. Le vivant, c’est ce qui nous a précédé·es et qui demeure présent. Du végétal à l’animal, c’est cet élan pur et puissant qui traverse chaque existence, cet indicible mélange de matière et de sensible. Le cœur d’un nourrisson qui s’éveille, celui d’un ancien qui s’éteint. L’herbe folle dans les failles du bitume, la vibration d’une forêt de sapins. L’élan de joie d’une foule dansante, chaque visage, chaque vécu, chaque espoir qui respire dans un corps. Un seul air dans nos poumons, la même eau sous nos écorces, depuis plus de trois milliards d’années.

Cet ensemble qui nous dépasse, nous en faisons partie et pourtant nous le faisons imploser. Le vivant, c’est ce qui demeure présent, mais que l’on défigure déjà à force de mutilations.Nos systèmes actuels se sont construits sur d’innombrables formes de domination, qui sévissent au sein de l’espèce humaine et sur le non-humain. Ces dominations ont infusé dans tous les pans de nos sociétés et nous ont déconnecté·e·s de notre identité vivante. Les conséquences sont dramatiques : isolement, renforcement des violences et inégalités sociales, dérèglement climatique, épuisement des ressources, sixième extinction de masse... Nos systèmes tuent : ce ne sont des structures ni durables ni souhaitables ; elles s’effondreront d’elles-mêmes si nous ne les changeons pas, entraînées par la chute actuelle de nos écosystèmes. Nous sommes doublement responsables, car nous sommes les seul·e·s auteur·e·s de ces blessures, et considérés leur envergure ainsi que le temps qu’il reste, nous sommes aussi les seul·e·s à même de les réparer, de nous réparer.
Créer.
Il est temps, il est plus que temps d’incarner de nouvelles façons d’être au monde. Cette transformation, nous avons l’intuition qu’elle passe par l’expérience artistique, support de nouveaux récits et imaginaires.

Nous souhaitons donc rassembler artistes et militant·e·s, pour qu’à partir de cette combinaison des pratiques, de nouvelles initiatives émergent : créer d’autres œuvres engagées et visibiliser celles qui existent déjà, organiser des ateliers créatifs ouverts à toutes et tous, former des artistes au militantisme et des militant·es aux arts...Nous voulons danser la colère de notre ère, jouer le monde de demain, slamer notre identité. Raconter les bascules, les nouveaux possibles qui fourmillent déjà, partout. Trouver les brèches dans lesquelles s’infiltrer et grandir. Inventer les alternatives les plus folles pour en voir advenir quelques-unes. En toute simplicité, en toute humilité, et en toute liberté.Et tout ça, toi aussi tu peux le faire.
Se soulever.
Ce mouvement est ouvert à toi qui aime écrire dans ta chambre, chanter sous ta douche ou danser sous la pluie. Il est ouvert à toi, écrivaine, danseur, musicienne, sculpteur, actrice ou peintre. Il est ouvert à toi, que tu te sentes militant·e ou débutant·e, indécis·e ou affirmé·e. Il n’y a pas de légitimité à prouver, seulement des actions à mener et des relations à construire. L’art, c’est tout autour de toi, entre la ligne d’horizon et la courbe du soleil, mais aussi en toi. Ça coule dans tes veines, c’est entre tes mains, dans ton regard : plus qu’une nouvelle respiration, le soubresaut du monde.L’art n’est pas réservé aux élites : c’est l’heure de se le réapproprier. Remettre l’art populaire au cœur de nos vies et pour la vie. Faire de l’acte de création un acte de résistance.

Nous sommes fort·es et fébriles, ambitieux·ses et humbles, traversé·es de certitudes et de doutes, de cohérences et de paradoxes que nous souhaitons rendre visibles. Nous souhaitons représenter une pluralité d'expériences de vie, de points de vues, et avons encore du mal à l’incarner. Nous voulons œuvrer à la racine, et reproduisons parfois les épines. Nous souhaitons toucher le plus grand nombre, et agir à échelle humaine. Nous allons expérimenter, nous lancer, réussir, rater, essayer encore, nous adapter et toujours, toujours écouter et aimer.

Ces tumultes, c’est nous, on fait avec.
Notre génération grandit comme ça, avec la peur de tomber, la joie de créer, la rage de vivre et l’envie de nous réveiller au monde, l’envie de t’embarquer avec nous, de s’émerveiller et de se soulever, ensemble.